Présentation de l'OBSERVATOIRE

L’Observatoire se veut un outil mis à la disposition des familles des victimes de crimes perpétrés par les taliban.

Il n’entend pas se substituer à la justice du pays, mais offre une ressource supplémentaire aux victimes dont les plaintes n’auraient pas abouti, ou qui auraient peur de représailles au niveau local. lire la suite

mardi 17 avril 2012

"Les talibans peuvent facilement entrer dans Kaboul"

Les talibans ont déclenché, dimanche 15 avril, des attaques suicide coordonnées notamment à Kaboul, les plus massives dans la capitale afghane en dix ans de guerre, faisant 51 morts, dont 36 assaillants.
Frédéric Bobin, le correspondant régional du Monde basé à New Delhi, analyse cette "offensive de printemps" survenue à moins d'un mois d'un sommet de l'OTAN à Chicago.

Comment les talibans peuvent-ils attaquer le cœur de Kaboul ?
Des attaques du type de celles de dimanche se sont déjà produites et elles se reproduiront sans doute. En dehors de la "zone verte" du quartier de Wazir Akbar Khan, où sont concentrés les ambassades et le palais présidentiel, une enclave fortifiée difficile à infiltrer, Kaboul est une ville ouverte. Les flux de véhicules et de piétons y sont libres et plutôt denses. Des check points tenus par la police sont certes disposés aux principaux carrefours, un maillage qui peut se resserrer pour des occasions sensibles - par exemple la tenue de Loya jirga (assemblée coutumière) - mais l'efficacité dissuasive de ces contrôles peut être aisément prise en défaut par un commando d'assaillants professionnels. Il n'est donc pas difficile pour ces derniers d'entrer dans Kaboul et de se rapprocher de la fameuse "zone verte". Si celle-ci est globalement imprenable, sa sécurité est néanmoins fragilisée par un récent phénomène urbain : la multiplication de chantiers d'où émergent des immeubles à ce stade inachevés.

Car malgré la guerre, où en raison de la guerre, Kaboul est une ville en pleine mutation, embouteillée, surpeuplée et aux multiples projets immobiliers. Le 13 septembre 2011, un commando taliban avait inauguré une nouvelle tactique : prendre possession d'un immeuble en chantier, en général mal gardé, offrant une perspective en surplomb sur Wazir Akbar Khan. De là, les assaillants avaient alors tiré au lance-roquettes et à l'arme automatique sur l'ambassade américaine et le quartier général de l'ISAF (le bras de l'OTAN en Afghanistan).

C'est cette tactique qui a été à nouveau utilisée dimanche, mais cette fois-ci en trois points différents : à proximité de Wazir Akbar Khan ; près du Parlement dans le quartier de Darulaman ; et, à la sortie orientale de Kaboul, sur la route de Djalalabad où sont situés le camp militaire de Warehouse et le Kabul Military Training Center (KMTC), le principal centre de formation de l'armée afghane. Après ces deux précédents, on peut imaginer que les responsables de la sécurité de Kaboul s'attaqueront à la question de ces fameux chantiers ouverts à tous vents, nids potentiels de snipers.

Quelles conséquences cette "offensive de printemps" peut-elle avoir sur la stratégie de l'OTAN dans la perspective du retrait fin 2014 ?
Ce type d'attaque ne vise pas à "prendre" Kaboul. Dans la configuration actuelle, Kaboul est "imprenable". L'assaut de dimanche relève moins de l'offensive militaire que de l'action psychologique : démontrer à la face du monde que les talibans peuvent lancer des attaques sur Kaboul quand ils le veulent, ainsi que l'a proclamé fièrement leur porte-parole, Zabiullah Mujahid. L'assaut de dimanche a été accompagné par le même concert de commentaires qui suit chaque opération à Kaboul, rituel rhétorique désormais bien rôdé.

D'un côté, les officiels de l'OTAN insistent sur la vanité militaire de ce genre d'attaque, son insignifiance, son échec programmé. Et ils ont raison puisque chacune de ces attaques se solde par l'élimination physique des assaillants. Mais n'est-ce pas là occulter le véritable enjeu de l'événement ? Car l'affaire est avant tout politique. Le but des talibans est principalement de frapper les esprits, de faire la "Une" des médias internationaux, d'instiller le doute au sein de la population afghane. De ce point de vue, les insurgés ont probablement marqué des points dimanche.
|Mais il est peu probable qu'un tel assaut aura un impact significatif sur la stratégie de désengagement telle qu'elle a été définie par l'OTAN et telle qu'elle sera formalisée par le prochain sommet de l'Alliance à Chicago en mai. Au contraire, elle peut conforter le processus actuel, à la fois dans ses objectifs et son calendrier, à savoir le transfert de la sécurité des troupes de la coalition internationale vers les forces de sécurité afghane. Ce n'est pas un hasard si le général John Allen, le commandant en chef de l'OTAN en Afghanistan, s'est déclaré "énormément fier" de la manière dont les forces afghanes ont conduit la riposte anti-talibans dimanche et lundi. "Les forces afghanes ont très bien réagi, ont fini par maîtriser la situation, a expliqué lundi au Monde un officier de l'OTAN. Nous ne les avons aidées que marginalement."

Selon cet officier, il se mène en ce moment en Afghanistan environ 100 opérations des forces spéciales par jour, la majorité étant en fait conduites la nuit. "Près de la moitié sont conçues par les forces spéciales afghanes et les trois quarts sont exécutées en partenariat avec l'OTAN", précise-t-il pour accréditer l'idée d'une autonomisation croissante des Afghans par rapport à leurs mentors étrangers. L'appréciation positive des forces spéciales afghanes est effet aujourd'hui répandue. Le problème réside dans le décalage entre ces unités d'élite et les troupes de base dont la discipline et la combativité inspirent encore un scepticisme profond. Cette question du professionnalisme de l'armée est décisive pour le processus de retrait prévu pour s'achever fin 2014. Vue sous cet angle, l'attaque de dimanche ne prouve rien ou tenterait plutôt à renforcer les tenants du scénario engagé.

Le règlement de la crise afghane passe-t-il avant tout par le Pakistan ?
Le lien entre l'assaut de dimanche et le Pakistan est réapparu sous la forme de la mise en cause du fameux "réseau Haqqani". L'ambassadeur américain à Kaboul, Ryan Crocker, a évoqué la possibilité d'une implication de ce réseau dans un entretien à CNN, une piste confirmée au Monde par un officiel de l'OTAN s'exprimant sous le sceau de l'anonymat. Le porte-parole du Pentagone, George Little, a affirmé lundi que "les premières indications montrent que le réseau Haqqani était impliqué dans cette série d'attaques" . Basé dans son sanctuaire du Nord-Waziristan, l'une des zones tribales pakistanaises, le "réseau Haqqani" opère principalement dans l'est de l'Afghanistan (Khost, Paktia, Paktika), d'où il se projette sur Kaboul en passant par le Logar. L'ancien chef d'état major des armées américain, l'amiral Mike Mullen, avait déchaîné la controverse en septembre 2011 en déclarant que le "réseau Haqqani" était, selon ses termes, le "véritable bras" de l'Inter Services Intelligence (ISI), les redoutés services secrets de l'armée pakistanaise.


Le Pakistan a toujours cherché à se tailler une influence en Afghanistan, voire même à "finlandiser" le régime de Kaboul, afin de contrecarrer le jeu prêté à l'Inde dans ce pays. Islamabad vit en effet dans l'angoisse quasi existentielle de se voir "encerclé" par l'ennemi héréditaire indien par l'est (frontière naturelle entre les deux pays) et l'ouest (frontière avec l'Afghanistan). C'est cette angoisse stratégique qui explique le soutien historique de l'ISI aux talibans afghans, utilisés comme "proxy fighters" (combattant par procuration) pour contrer l'influence supposée de l'Inde. Aussi il sera vain d'espérer un changement d'attitude du Pakistan en Afghanistan tant que l'on n'aura pas réglé cette question de l'"angoisse existentielle" des Pakistanais.

Une amélioration de la relation diplomatique entre Islamabad et New Delhi y contribuerait de manière notable. C'est précisément ce qui se passe depuis quelques mois. Si le contentieux sur le Cachemire, territoire disputé entre les deux Etats depuis 1947, est insoluble à court terme, les partisans d'une intensification du commerce bilatéral ont actuellement le vent en poupe dans les deux capitales. Mais la clé du problème réside avant tout dans le rôle politique, et donc dans le statut économique, de l'armée au Pakistan. Une érosion de la perception de la menace indienne risque d'avoir un impact négatif sur le budget militaire du Pakistan - autour de 40 % des dépenses nationales - et donc affaiblir les privilèges institutionnels de la caste des prétoriens. La solution à la crise afghane, entre autres pistes, passe par l'affirmation de la prééminence des civils sur les militaires au Pakistan. Un combat ardu mais pas perdu sur la longue durée. La société pakistanaise change, évolue, et commence de plus en plus à demander des comptes à ses maîtres historiques.


Source : Le Monde

Afghanistan: Une centaine de collégiennes empoisonnées par des extrémistes

Quelque 150 collégiennes du nord de l'Afghanistan ont été empoisonnées ce mardi après avoir bu de l'eau contaminée par des extrémistes hostiles à l'éducation des filles, ont annoncé les autorités éducatives de la province de Takhar.
«Nous sommes sûrs à 100% que l'eau qu'elles ont bue à l'école était empoisonnée. C'est l'oeuvre d'adversaires de l'éducation des filles ou d'individus irresponsables armés», a déclaré un responsable. Une partie des 150 collégiennes qui ont souffert de maux de tête et de vomissements, sont dans un état grave. D'autres ont pu regagner leur domicile après avoir été soignées à l'hôpital.
A partir de 1996, les taliban au pouvoir avaient, entre autres, interdit aux filles d'aller à l'école au nom d'une interprétation particulièrement rigoriste de l'islam. Cette mesure avait été levée après leur éviction fin 2001. L'an dernier, le gouvernement afghan avait annoncé que les taliban avaient renoncé à interdire l'école aux filles, ce que ces derniers n'ont toutefois jamais explicitement reconnu. Des femmes et des collégiennes sont souvent sur le chemin de l'école la cible d'attaques à l'acide pour les défigurer.
Mis à jour le 17.04.12
Avec Reuters